Alignements de trous noirs supermassifs

Université de Liège - 26/11/2014 08:50:00


Le VLT révèle l'alignement des axes de trous noirs supermassifs sur une structure à grande échelle.
De nouvelles observations effectuées au moyen du VLT (Very Large Telescope) de l'ESO au Chili ont révélé l'existence d'alignements à l'échelle des plus vastes structures connues de l'Univers. Une équipe de chercheurs européens a découvert que les axes de rotation de trous noirs supermassifs situés aux centres d'un échantillon de quasars sont parallèles les uns aux autres sur des distances de milliards d'années lumière. De plus, les axes de rotation de ces quasars ont tendance à être alignés sur les vastes structures de la toile cosmique au sein de laquelle ils résident.

Les quasars sont des galaxies dont le coeur abrite un trou noir supermassif très actif. Ces trous noirs sont entourés de disques en rotation dont le contenu matériel, porté à très haute température, est bien souvent expulsé sous la forme de jets le long de leurs axes de rotation. La brillance des quasars peut surpasser celle de l'ensemble des étoiles réunies dans leurs galaxies hôtes.

Une équipe menée par Damien Hutsemékers de l'ULg a utilisé l'instrument FORS qui équipe le VLT pour étudier 93 quasars connus pour former de vastes regroupements sur des milliards d'années lumière, à l'époque à laquelle l'Univers était âgé du tiers de son âge actuel.

« La première singularité que nous avons relevée concerne les axes de rotation des quasars : certains d'entre eux étaient alignés par rapport à d'autres - en dépit du fait que ces quasars sont distants de milliards d'années lumière », explique Damien Hutsemékers.

Intriguée, l'équipe a cherché à savoir si les axes de rotation étaient liés, non seulement les uns aux autres, mais également à la structure de l'Univers sur de grandes échelles à l'époque considérée.

Lorsque les astronomes observent la distribution des galaxies à l'échelle de milliards d'années lumière, ils constatent qu'elles ne sont pas réparties uniformément dans l'espace. Elles forment une toile cosmique constituée de filaments et de réservoirs de matières autour d'immenses espaces vides d'où les galaxies sont quasi absentes. Cette distribution de matières, magnifique et surprenante à la fois, constitue ce que l'on nomme une structure à grand échelle.

Les nouveaux résultats obtenus par le VLT indiquent que les axes de rotation des quasars tendent à être parallèles aux structures à grande échelle auxquelles ils appartiennent. Ainsi, si les quasars se distribuent le long d'un filament, les axes de rotation des trous noirs centraux s'alignent sur le filament. Les chercheurs estiment à moins d'1 % la probabilité que ces alignements soient fortuits.

« L'existence d'une corrélation entre l'orientation des quasars et le structure à laquelle ils appartiennent est prédite par les modèles numériques d'évolution de notre Univers. Nos données apportent la toute première confirmation observationnelle de cet effet, à des échelles bien plus vastes que celle des galaxies classiques observée jusqu'à présent », ajoute Dominique Sluse de l'Institut Argelander d'Astronomie de Bonn en Allemagne et de l'Université de Liège.

L'équipe ne pouvait observer directement les axes de rotation ni les jets des quasars. Elle a donc mesuré la polarisation de la lumière en provenance de chaque quasar - 19 d'entre eux émettaient un signal fortement polarisé. Connaissant, entre autres choses, la direction de cette polarisation, ils ont pu déduire l'angle du disque d'accrétion puis déterminer la direction de l'axe de rotation du quasar.

« L'existence de tels alignements, à des échelles bien plus vastes qu'envisagé par les simulations actuelles, laisse entrevoir la possibilité que nos modèles d'univers actuels soient incomplets », estime Dominique Sluse.

Alignment of quasar polarizations with large-scale structures, Astronomy & Astrophysics, 19 novembre 2014

L'équipe est composée de D. Hutsemékers (Institut d'Astrophysique et de Géophysique, Université de Liège, Liège, Belgique), L. Braibant (Liège), V. Pelgrims (Liège) et D. Sluse (Institut Argelander d'Astronomie, Bonn, Allemagne; Liège).