Interview de Benoît Huré, Président du département des Ardennes : La France marche bien quand l'Etat collabore avec les élus

Conseil Départemental des Ardennes - 16/09/2014 18:21:58


La réforme de la décentralisation provoque de nombreux débats au niveau national. Qu'en pensez-vous ?

Le Gouvernement a lancé la réforme de façon soudaine en mettant au pilori les Conseils Généraux. Dans ce que l'on appelle le millefeuille, on a considéré que les Conseils Généraux étaient l'échelon de trop entre les agglomérations et les régions. Or on ne se rend pas compte de la réalité sur le terrain. Sans la participation des Conseils Généraux, un nombre considérable des projets ne seraient pas réalisés.

Le véritable millefeuille se situe entre le niveau national et local. On a décentralisé les compétences et la responsabilité alors que l'Etat donne maintenant une fonction de contrôle à ses personnels. Nous, les Président de Conseils Généraux, on a à faire face à des contrôleurs en tout genre. C'est une technocratie qui s'est mise en place ainsi.

La France marche bien quand l'Etat collabore avec les élus. Et, tout d'un coup, le Président de la République sort la réforme de la décentralisation, la fameuse "modification de la carte". Ce qui fait qu'on rentre dans une phase de conflit entre l'Etat et les territoires. Il y a aussi des rivalités politiques entre collectivités. Et cela peut bloquer un grand nombre de projets.

Au sujet de cette réforme, les départements auraient vocation à disparaître. Mais les agglomérations n'arrivent pas à assumer les services sociaux que gère le département (surtout en milieu rural) et qui impliquent des services importants, une expertise, des connaissances en gestion et des services supports importants.

Au niveau local, comment cela se traduit-il ?

Je suis agriculteur. Je suis un concret, je me base beaucoup sur les faits. On critique l'augmentation des dépenses de personnel dans les Conseils Généraux mais, dans les Ardennes, l'augmentation est due quasiment entièrement au transfert des compétences par l'Etat !

Avant la décentralisation, la DGE et la DDA comprenaient 60%de praticiens dans leurs personnels. Aujourd'hui, c'est exactement l'inverse. Les deux entités ont fusionnées et 65% du personnel fait de l'administratif désormais. En plus, ce personnel a évolué comme expert administratif, en « sachants » éloignés des réalités. Ces blocages pénalisent l'économie de notre pays. Je suis sûr qu'il y a des points de croissance qui dorment dans les parafeurs !

A l'annonce de la réforme, je suis obligé de suspendre le programme des collèges, la modernisation des routes départementales, et j'hésite à lancer la phase 3 du très haut débit. On est dans l'attentisme et la chaîne de décision se grippe. Cela se fait au détriment de l'intérêt général et intensifie la fracture entre les français et leur classe dirigeante.

Le Conseil Général serait désormais une assemblée politique composée des Présidents des intercommunalités du territoire. On n'aura plus de politique départementale, plus d'harmonisation du développement économique ou de l'implantation des services départementaux sur le territoire. Moins de péréquation. Moins d'intérêt général. Chaque Président d'intercommunalité dira : « l'autoroute ou cette entreprise, c'est chez moi ! » Là encore on aura mis en place une chaîne de grippage supplémentaire et nous n'en avons pas besoin !

Malgré cette conjoncture, quelles initiatives avez-vous pu mener ?

L'identité est une réalité qui peut être exploitée et ravivée pour promouvoir l'attractivité d'un territoire. Nous avons donc créé une marque « Ardenne » transfrontalière composé des Ardennes française, belge et grand-ducale. L'objectif est de renouveler l'image de l'Ardenne et d'ouvrir le chantier d'une attractivité commune pour cette destination autrefois morcelée sur plusieurs pays et régions.
L'enjeu est de taille tant ce chantier touche tous les secteurs d'activités. Sur le plan économique pour faire mieux connaître les savoir-faire des entreprises ardennaises et voir de nouvelles entreprises se créer. Pour le tourisme, afin d'attirer les vacanciers et de multiplier les potentiels des acteurs du secteur.

Nous nous adressons aussi aux entrepreneurs en matière de développement économique et de création d'emplois. Le Conseil général des Ardennes a décidé de mener une politique stratégique autour de deux axes majeurs : le soutien aux entreprises et leur implantation dans des Parcs d'activités. Que ce soit pour entreprendre, reprendre, créer, délocaliser ou innover, s'implanter dans les Ardennes Françaises c'est s'ouvrir l'accès au grand marché du Nord Européen au coeur d'un territoire de 100 millions d'habitants à moins de 400 km !

Afin de soutenir la compétitivité agricole du département, le Conseil général apporte son soutien financier à le Chambre de l'Agriculture. Ce partenariat a plusieurs objectifs importants : la facilitation, le soutien et l'aide à la diversification. Notre programme de développement agricole, en relation forte avec les élus locaux, appuie le monde agricole et les collectivités en matière d'urbanisme, de paysage et de foncier. Nous assurons le suivi des exploitations en difficulté et menons des missions installation-transmission pour favoriser le renouvellement des générations en agriculture. Le soutien à la communication des produits locaux ne sont pas oubliés.

Il faut promouvoir les atouts locaux pour réussir à relever les défis que nous impose l'actualité politique. Où qu'on les rattache, les Ardennes resteront belles et grandes.


Entretien entre Benoît Huré et Jean-François Puech Directeur de la Rédaction


Conseil Départemental des Ardennes

Benoît Huré
Président



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