Newspress

I.- Didier Béoutis, pourquoi publier les mémoires de guerre de votre grand-père ?

J'ai répondu à l'appel du Gouvernement à la collecte de tout témoignage sur la Grande guerre ! Alors jeune clerc de notaire au Mans -et futur historien-, André Bouton est appelé en août 1914 et ne sera démobilisé qu'en mars 1919, après une période de 56 mois. Pendant tout ce temps, André Bouton a écrit, chaque jour, sur 1.000 pages de carnets, ses impressions. Après la fin de la guerre, il en a rédigé une synthèse d'environ 300 pages, en vue d'une publication... qu'il n'a jamais réalisée ! Sans doute mon grand-père avait-il estimé que, en raison de son caractère quelque peu critique, l'ouvrage aurait été mal accueilli à la fin des années vingt, époque où les anciens combattants étaient héroïsés... Le manuscrit était donc resté dans la famille !

II.- Après tout ce qui a déjà été publié, qu'apportent ces mémoires ?

André Bouton a connu, en 56 mois, toutes les positions possibles pour un sous-officier d'infanterie : les bureaux d'état-major, les unités d'instruction, le front -sur la Somme pendant 18 mois-, les hôpitaux -ayant été blessé à deux reprises-, les postes de surveillance à l'arrière... Il écrit à la façon du futur historien qu'il sera, non pas avec un esprit critique systématique, mais avec un grand souci de vérité. Ses mémoires ne ménagent personne : il décrit les dysfonctionnements de l'armée au début de la mobilisation ; les atermoiements des chefs militaires ; les opérations sur le front, les ordres et contre-ordres ; l'état d'esprit des populations et notamment des « embusqués », les héros et les couards ; le bilan de la guerre... En bref, ces mémoires sont un témoignage, au quotidien, de la Grande guerre vue par un soldat de base, qui a suffisamment d'instruction pour comprendre ce qui se passe autour de lui.

Ces mémoires témoignent aussi de l'évolution de son état d'esprit ! Très patriote au début du conflit -c'est lui qui demande à être versé dans le service armé-, André Bouton devient, après avoir vu toutes les horreurs de la guerre, peu à peu pacifiste, sans doute comme de nombreuses personnes ! L'introduction à ces mémoires qu'il avait rédigée en 1929 constitue un plaidoyer contre la guerre !

III.- Mise à part la publication, quel a été votre apport dans cet ouvrage ?

J'ai, bien entendu, publié tel quel le récit de mon grand-père, sans rien ajouter ni retrancher. J'y ai ajouté des illustrations, des cartes, et aussi de nombreuses annotations, afin d'expliciter, termes, lieux, dates et personnages. J'ai aussi effectué un travail de vérification aux Archives militaires à Vincennes : je n'ai trouvé aucune erreur dans le manuscrit d'André Bouton !

Didier Béoutis, né en 1954, est ancien élève de l'École nationale d'administration et administrateur civil de l'État. Passionné d'histoire, il a, parallèlement à ses activités professionnelles, publié plusieurs biographies de personnalités du XIXème et du XXème siècle originaires de la Sarthe, son département d'origine. Il vient de publier, sous le titre « André Bouton (1890-1979), mémoires d'un Manceau, soldat pendant la Grande guerre » *, les souvenirs de guerre rédigées par son grand-père maternel

* Paru aux éditions ITF-Mulsanne
didierbeoutis@yahoo.fr - 06.37.30.41.08