Interview Le Parisien : « Ceux qui se livrent aux débordements sont des voyous, pas des supporteurs »

Blog de Malek Boutih - 04/07/2014 15:40:00


Malek Boutih, député PS de l'Essonne, revient sur la portée de la qualification historique de l'équipe d'Algérie pour les 8ème de finale et les incidents qui s'en sont suivis.

Le député socialiste Malek Boutih, dont la famille vient d'Algérie, vibre pour les Bleus. Mais il a suivi et apprécié le match des Fennecs, jeudi, contre la Russie. Leur qualification et l'enthousiasme qu'elle a suscité en France sont riches d'enseignements, selon ce passionné de foot.

Que vous inspire la performance historique de l'équipe algérienne ?

Malek Boutih. C'est beaucoup plus qu'une victoire sportive déjouant les pronostics. Pour l'Algérie, elle représente la sortie symbolique d'une longue période noire marquée par la guerre civile. Les Fennecs renvoient une image très positive du pays : ils sont sérieux, disciplinés, patients... autant d'ingrédients qui ont souvent manqué à l'équipe d'Algérie, qui se reposait un peu trop sur les talents individuels. Ils incarnent la culture de l'effort. De quoi inspirer tout un pays !

La plupart des joueurs ont été formés en France. Est-ce un frein à l'engouement populaire en Algérie ?

La majorité sont nés en France et ne parlent pas l'arabe... Il y a quelques grincheux, comme toujours, qui disent que ce n'est pas une vraie équipe d'Algérie, mais cela n'empêche pas les Fennecs de faire honneur à leur maillot. Au fond, cette équipe oblige l'Algérie et la France à assumer enfin leur histoire mêlée et souvent compliquée. Toujours passionnelle.

Chez les Français originaires d'Algérie, l'engouement est exceptionnel. Pourquoi ?

Il est d'autant plus fort que ces derniers ont le sentiment - en partie réel - qu'ils sont sans cesse renvoyés à la guerre civile, au terrorisme. La Tunisie et le Maroc sont des destinations touristiques, plus ouvertes aux échanges. Pas l'Algérie, qui pour la première fois depuis longtemps voit son nom associé à une actualité souriante.

Tous ces drapeaux algériens brandis les soirs de match traduisent-ils les problèmes d'intégration ?

Dans mon quartier ce matin (hier), j'ai entendu des réflexions racistes : « Ils se croient tout permis », « Ils se croient chez eux »... C'est dommage, car je pense au contraire qu'assumer ses racines est un gage d'intégration. Plus ils se sentent à l'aise dans leur identité passée, plus ils se sentent français. La dernière fois que l'Algérie avait réussi sa Coupe du monde, en 1982, personne n'aurait osé sortir les drapeaux algériens... parce qu'ils se sentaient moins chez eux en France qu'aujourd'hui !

Malgré tout, des débordements émaillent la fin des matchs. Comment les analysez-vous ?

Ceux qui s'y livrent ne sont pas des supporteurs mais des voyous qui se greffent aux mouvements de foule. Il s'agit d'une nouvelle forme de délinquance. Ce sont toujours les mêmes qui viennent pourrir nos événements locaux. Rien à voir avec la liesse liée aux matchs, qui ne doit pas nous crisper.

Certains s'étonnent aussi de voir des supporteurs bloquer le périphérique, ou prendre des risques fous en roulant à scooter sans casque...

C'est effectivement un problème, que l'on n'observe pas seulement après les matchs, mais à l'occasion de mariages par exemple et de toutes les manifestations festives. Il y a un gros travail d'éducation à faire dans les quartiers populaires pour le respect de l'autre et des règles de sécurité.

Si les deux équipes gagnent leur 8e, un match France-Algérie se profile. Vous craignez des incidents ?

Voyons positivement les choses : les Français originaires d'Algérie gagneront à tous les coups. Ce sera l'occasion de sortir les deux drapeaux, comme les communautés étrangères le font aux États-Unis.
Propos recueillis par Charles De Saint Sauveur