Interview de Cécile Palusinski Présidente de La Plume de Paon, Grand Prix du Livre Audio

La Plume de Paon - 17/06/2014 16:05:00


Cécile Palusinski, vous êtes auteure éditrice et vous avez lancé le prix du Livre-Audio.

Le livre audio, c'est le livre lu et enregistré sur un support numérique, en général un Cdrom ou à partir d'un téléchargement sur internet. Je me suis intéressée à ce livre « parlé » à l'occasion de la publication d'un de mes premiers livres jeunesse « Garance et le Maître des Couleurs ». Ce premier enregistrement m'a permis de découvrir la richesse du texte grâce à l'alchimie de la voix, du récit, de l'image et de la musique. Toutes ces passerelles entre les sens déclenchent une charge émotionnelle qui modifie la perception du texte écrit. D'autres auteurs l'ont découverte. Gallimard propose ainsi régulièrement à des auteurs d'assister à l'enregistrement de leurs textes. Ils découvrent alors des nuances, des prolongements, des impressions supplémentaires. Depuis j'ai ouvert une maison d'édition « Les Mots de Soie » qui est spécialisée dans la production de livres-audio et j'ai réuni des passionnés dans la création d'une association -« la plume de Paon »- qui est devenue la plateforme et le portail de référence du livre-audio en France

On a du mal à situer le livre-audio, est ce la déclinaison d'une oeuvre, un support, un livre à part entière ?

C'est vrai le livre-audio est encore entre 2 mondes. Il faut reconnaître que le Livre-Audio n'est pas assez connu. Nous avons fait un sondage auprès des jeunes. Seuls 10% des lycéens connaissent l'existence du livre-audio. Les demandes chez les libraires sont rares et les livres-audio ne sont pas dans les devantures des vitrines.
Dans notre pays, le livre-audio souffre d'une image veillotte, celle d'un substitut à la lecture destiné aux personnes malvoyantes. Cela perturbe la perception que l'on a du livre-audio. Ainsi, l'Education Nationale ne prévoit elle pas de livre-audio dans les programmes scolaires alors que sa vertu pédagogique est considérable. Mais la tendance s'inverse et le Livre-Audio prend un nouvel essor.

Justement, quels sont les retours que vous avez ; je dirais presque ; de « vos » lecteurs ?

Il ya plusieurs catégories de lecteurs. Le livre-audio a la cote auprès des handicapés. Il permet un accès beaucoup plus facile que le braille à la lecture.
Dans les écoles, les collèges, les lycées, c'est un vecteur pour redonner goût à la lecture. Avec la ville de Strasbourg, le département du Bas Rhin et le conseil régional d'Alsace, notre association a mis en place un programme de sensibilisation à la lecture et de cette expérience, nous tirons plusieurs enseignements. Tout d'abord les lecteurs moyens c'est-à-dire ceux qui, au delà des programmes scolaires, lisent occasionnellement - ils représentent la majorité des élèves- redécouvrent la lecture et la littérature. Les gros lecteurs représentent une minorité des élèves et restent fidèles au livre papier. C'est chez les « décrocheurs », l'autre minorité, que nous avons de belles surprises. Le livre-audio dédramatise et lève l'obstacle culturel de la lecture et on voit des élèves demander un ouvrage en salle de permanence.

Comment voyez vous l'avenir du livre-audio ?

Le livre-audio va se développer. Il progresse chez les actifs qui « écoutent » de plus en plus les livres comme ils écoutent de la musique pendant les temps de transport ou lors d'activités sportives. Les adeptes du jogging ont tous des écouteurs sur les oreilles et ils écoutent leurs « tubes » et.... leur roman préféré.

Il y a une demande de plus en plus importante de livres-audio lus par des comédiens pour ce lectorat. L'usage du livre-audio chez les anglo-saxons est aussi encourageant pour le marché en France. Ainsi en Allemagne, il y a une tradition de lecture collective partagée, dans les familles et on assiste à une multiplication des lectures publiques dans les librairies. Au Royaume Uni, on écoute la littérature, comme la radio, à tout moment de la journée ! Cela laisse de très bonnes perspectives.

Avec votre association, vous êtes à l'origine des prix du Livre Audio. Qu'en attendez-vous ?

En créant à la fois le Prix du Public et le Grand Prix, j'ai souhaité mettre en valeur la création, l'édition, la diffusion du livre-audio.
Le Prix du Public se déroule toujours dans le cadre du Festival du Livre Audio à Strasbourg. Près de 700 votants se sont prononcés cette année sur titres présélectionnés qui étaient disponibles sur notre portail en accès libre.

Le Grand Prix, que je coordonne est pensé comme un prix littéraire, Il est décerné par un jury de professionnels composés de 11 experts, journalistes, éditeurs, auteurs, réalisateurs. Cette année, le jury a remis la « Plume d'Or » du meilleur livre audio à la comédienne Anna Mouglalis pour sa lecture de « Home » de Toni Morrison.

Ces prix contribuent à la promotion d'un genre littéraire, à la sensibilisation du grand public. Notre portail est suivi par 11.000 abonnés. L'association avec ses partenaires et le Centre National du Livre fédère les lecteurs, les associations, les professionnels ; tous ceux qui font la communauté de l'Audio Livre. En 3 ans, beaucoup de chemin a été parcouru. Nous sommes devenus l'une des références dans le domaine du livre-audio et nous sommes désormais écoutés par les pouvoirs publics sensibles au développement de la lecture. Je me rends compte aujourd'hui qu'au-delà du plaisir que procure le livre-audio au lecteur, tout le monde a bien conscience que le livre-audio est un nouveau vecteur de culture avec un supplément d'âme pour la collectivité. Et je trouve cela formidable.

Entretien au Press Club de France avec Jean François Puech