Entendre les personnels des greffes

Blog de Jean-Jacques Urvoas - 18/04/2014 17:02:33


Depuis quelques semaines, les personnels des greffes manifestent leur mécontentement en occupant spectaculairement et régulièrement les marches du palais de justice.

Ce mouvement ne rencontre pas l'audience qu'il mériterait. Beaucoup de nos concitoyens ignorent le rôle stratégique occupé par ces fonctionnaires discrets et dévoués dans le fonctionnement quotidien de la justice. Pour beaucoup, le personnage central est toujours le juge.

D'ailleurs, dans le grand rendez-vous organisé par la Garde des Sceaux et baptisé « la justice du XXIème siècle », l'intitulé des groupes de travail était révélateur. Si l'on trouvait légitimement une invitation à débattre du « juge au XXIème siècle », les greffiers étaient intégrés dans le périmètre « des juridictions au XXIème siècle ». D'un côté une fonction incarnée et de l'autre simplement un lieu.

La protestation actuelle ne surprend pas ceux qui lisent les productions de la Commission des Lois. En effet, depuis le début de la législature, notre rapporteur Jean-Yves Le Bouillonnec s'attache à souligner à l'occasion du débat budgétaire le fait que le régime indiciaire et indemnitaire des greffiers n'a pas été revalorisé depuis 2003, contrairement aux fonctionnaires de catégorie B des autres ministères.

Certes, la période n'est guère propice à la satisfaction d'une telle revendication aussi juste soit-elle. Pour autant, au cours des trois exercices précédents, des enveloppes ont été prévues pour la revalorisation du régime indemnitaire des magistrats... Il n'est pas question évidemment de remettre en cause un engagement qui avait été pris vis-à-vis des magistrats mais on peut néanmoins comprendre que ce creusement de l'écart des rémunérations suscite l'irritation des personnels de greffe.

Certes, notre majorité n'est pas restée inactive. Ainsi le projet de loi de finances de cette année a consacré une enveloppe de 1,88 million d'euros à la revalorisation indemnitaire des agents de catégorie C. Ce fut une mesure essentielle notamment pour nombre d'adjoints administratifs qui font fonction de greffiers dans les juridictions.

Les protestations ne portent cependant pas que sur cet aspect. C'est plus largement la place essentielle qu'ils occupent dans les juridictions qui est questionnée. La force de leur mouvement démontre d'ailleurs le grand sens du service qui les anime. Ainsi par exemple, leurs manifestations ont lieu sur le temps de pause afin de ne pas perturber le déroulement des audiences ! Exception rarissime ô combien révélatrice d'une haute conception de leur travail. Comment alors comprendre que l'école nationale qui les forme, basée à Dijon, ne soit pas dirigée - depuis sa création - par un greffier en chef mais par un magistrat ?

Décidément, il y a de la place pour le dialogue. C'est dans cet esprit que j'ai entrepris cette semaine de rencontrer leurs organisations syndicales après avoir passé deux heures au tribunal de Quimper vendredi dernier. Naturellement, je vais poursuivre ce travail notamment auprès des ministères concernés et au premier chef du ministère des finances pour permettre qu'un débouché soit trouvé à ce mouvement.